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MÉDIAMONDE 2024

Bonus : Canneséries 2024

Notre voyage à Bangkok a été suivi, une semaine plus tard, par une autre escapade. Cette fois, moins coûteuse en CO₂ et tout aussi dépaysante : nous avons participé en tant que festivaliers à Canneséries édition 2024. Nous avons ainsi eu l'occasion de voir en avant-première les meilleures créations du paysage audiovisuel mondial, qu'il s'agisse de fictions longues ou courtes, ou encore de séries documentaires. Voici quelques critiques de nos visionnages !

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Hidden, Le front Invisible, Margot Panot

Le front invisible

 

Le 8 avril dernier, dans le cadre de la compétition de séries documentaires, nous avons pu assisté à la première internationale de "Hidden", un thriller géopolitique haletant venant tout droit des Pays-Bas. Au programme : un scénario digne d’un Mission Impossible, qui nous laisse néanmoins perplexes quant au message qu’il tente de porter sur la désinformation et l’opacité paradoxale des images en temps de conflits transnationaux et de guerres médiatiques actuelles.


Le premier épisode nous plonge dans une folle affaire d’espionnage international à travers l’enquête menée par le journaliste d’investigation Huib Modderkolk sur l’implication d’un agent des renseignements hollandais dans la cyberattaque et le sabotage du programme nucléaire iranien de 2008. Si ces révélations sur la participation des Pays-Bas dans cette opération, menée conjointement par la CIA et le MOSSAD, ont depuis été publiées dans le quotidien néerlandais "Volkskrant", la série retrace minutieusement les premiers tâtonnements et intuitions du journaliste, suivant les différentes étapes et impasses de son enquête. Elle expose ainsi de manière incarnée et stimulante la réalité et la pratique du journalisme d’investigation.

 

C’est d’ailleurs dans ce domaine que la série excelle le plus, redoublant d’ingéniosité de mise en scène pour nous ancrer dans les salles de rédaction et nous faire sentir la dangerosité et l’angoisse du terrain. Néanmoins, la série ne se limite pas à cette première enquête et cherche à élever et à généraliser son propos en multipliant les points de vue et les situations. La narration se complexifie alors, juxtaposant plusieurs temporalités et intrigues, bien moins abouties et ficelées que la première, suivant de manière complètement décontextualisée différentes figures dissidentes venues d’Ukraine et de Taiwan. Ce que l’on retient alors de cette série documentaire assez décousue et inégale, oscillant entre reconstitution journalistique et cinématographique, c’est bien le renouvellement des codes et écritures du documentaire, mêlant normes plus traditionnelles du reportage avec celles du thriller hollywoodien, attestant une nouvelle fois de l’influence du style des plateformes sur la télévision. 

Hidden

Pays-Bas – 2024
Pea Dols de Jong, Ester Gould & Rejier Zwaan
4x50 minutes

Margot Pagot

To The Wonder

我的阿勒泰

China - 2023

Yu Gong, Xiaohui Wang
8 x 45 minutes | World Premiere

Clément Dumas

Des âmes éveillées
 
Emily, au premier étage de la Tour Eiffel, doit décider de son avenir professionnel et amoureux ; Rory hésite à sécher les cours et, sur un coup de tête, prend un train pour New York ; Maeve est coincée entre ses responsabilités de sœur et son désir d'éducation et d'écriture.

La série anglo-saxonne regorge de ces personnages féminins faisant face à des choix cornéliens, des atermoiements de l'âme aux obligations matérielles qui découlent de nos différentes vies. Les trajectoires d'Emily dans Emily in Paris, de Rory dans Gilmore Girls ou de Maeve dans Sex Education illustrent cette capacité de la série à créer l'arène des choix où des corps et des figures doivent prendre des décisions, s'affirmer en tant qu’individu, se découvrir autre. 
 
Canneseries 2024 a eu la bonne idée de montrer que cette manière d'utiliser la forme sérielle comme cheminement complexe vers l'âge adulte – l'âge des choix et des responsabilités – ne se limite pas aux frontières anglo-saxonnes avec la série chinoise To The Wonder. Créée par Xiaohui Wang et Gong Yu, elle raconte l'histoire de Li Wenxiu, interprétée par Yili Ma, une jeune fille Han de province qui abandonne ses études dans une grande ville, n'étant pas faite pour les horaires et l'autorité en général. Elle repart vivre chez sa mère qui, après le départ du père, s'est installée dans le nord du Xinjiang où vivent les Kazakhs chinois avec leur propre langue et culture. Yili Ma veut être écrivaine à tout prix et la série accompagne ce désir par des rêveries bien amenées où le personnage débute le brouillon d'un livre à venir. Les deux premiers épisodes tissent les différents fils narratifs : le deuil de la mère qui s'est exilée au bout du monde sans aider sa fille, un jeune Kazakh dresseur de chevaux hors-pair qui doit regagner la confiance de son père et les conflits communautaires et quotidiens de ce village perdu où la télé est un cadre fait de pierre d'où l'on regarde le paysage.
 
C’est là d’ailleurs que la série est la meilleure. Elle trouve dans les paysages somptueux l’endroit même où peuvent s’externaliser les doutes et les réflexions créatives de son personnage. Le désir d'écriture, si dur à montrer à l'écran, se reflète en miroir dans les nuances des couchers de soleil des plaines kazakhes. Les élans de l'âme projetés dans les paysages et les mouvements des corps. Pour contrebalancer les rêveries parfois naïves de son personnage, la série donne une place importante à la comédie de situation s’alimentant des différences culturelles entre Han et Kazakh. Si ces derniers peuvent paraître méfiants vis-à-vis de la famille Han, leurs actions vont davantage exemplifier les notions d'honneur et de courage.

Australie - 2023

Tig Terera 

Saison 1 - 8 x 30 minutes | Première Mondiale

Swift Street  

Swift Street : la promesse d’un nouveau souffle pour la fiction made in Australia ?

Le pilote de cette mini série australienne, présentée en compétition format court, s’ouvre sur une folle course nocturne à vélo dans les rues sombres d’un quartier de Melbourne. Les insultes fusent : « I am going to fucking kill you Robert ». Elsie (Tanzyn Crawford), 21 ans, rentre en trombe dans une petite maison d’un quartier malfamé pour retrouver son père Robert (Cliff Curtis), une corde autour du cou, au bord du suicide. Essoufflée et sous le choc, elle est alors face à un ultime choix : laisser son père se défiler une énième fois ou aider ce loser et arnaqueur invétéré à rembourser ses dettes. Cette scène d’ouverture au rythme endiablé, impulsé par l’énergie viscérale de son personnage principal féminin, semble annoncer le ton et le programme de cette mini-série : entre thriller et comédie, elle dresse un portrait haut en couleur d’une relation père-fille dysfonctionnelle à la recherche de la modique somme de 26,000$.

Cet épisode introductif revient d’abord sur les éléments ayant mené à ce tournant dramatique. Le spectateur est alors plongé dans le quotidien d’Elsie, vivant de petites arnaques dans le quartier de Preston, quartier nord de Melbourne, bien connu du créateur de la série, Tig Terera. Ce qui étonne au premier abord, c’est l’effet de réel et la volonté d’inclusivité donnés à ce thriller urbain, nous exposant subtilement la riche histoire multiculturelle du quartier, et cela sans enfermer son réseau de personnages dans des assignations et clichés essentialisants d’une part, ou les utiliser comme porte-parole d’une cause ou d’une identité particulière d’autre part. En effet, compte tenu du conservatisme et de l’absence de représentations de personnages de premier plan issus de minorités ethniques et sexuelles sur le petit écran en Australie, on ne peut que saluer la démarche et l’habileté d’écriture de ce jeune réalisateur et scénariste qui, à l’instar du succès de la série comme Far North chez leurs voisins néo-zélandais, tente de renouveler à la fois les codes du genre mais aussi d’injecter de nouveaux imaginaires à la fiction de la région. Si l’intrigue principale se basant sur une course contre la montre pour trouver la somme d’argent nécessaire pour se sortir d’affaire n’est pas très originale, le pilote nous embarque de manière assez efficace et avec beaucoup de plaisir dans les tribulations moralement troubles de ce duo dramatico-comique porté par un Cliff Curtis grotesque et attachant.

Margot Pagot

FALLOUT

États-Unis - 2024

Jonathan Nolan, Geneva Robertson-Dworet, Graham Wagner 

Saison 1 - 8 x 60 minutes

Romain Debry

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Apocalypse vidéoludique
 

Des paysages postapocalyptiques, des animaux sauvages mutants, des goules et des armures assistées redoutables, bienvenue dans la série Fallout ! Directement inspirée du jeu vidéo, Amazon Studios avait annoncé la création de la série en 2020. Co-produit par Besthesda Game Studio, détenteur de la licence, Fallout nous emmène en 2270. 

Deux siècles après que des têtes nucléaires aient plongé une Amérique rétrofuturiste dans le chaos, l’humanité n’est plus que le reflet d’elle-même. 

Lucy MacLean, jeune habitante de l’Abri 33, est une descendante directe des quelques citoyens ayant eu la chance de pouvoir se voir offrir une place dans des abris sous terrains immenses, avant le déluge nucléaire.  Tout semble rose et durable dans ce « nouveau monde », mais un évènement sanglant la poussera à s’aventurer dans les terres désolées pour y retrouver son père. 

Déserts hostiles, villes désœuvrées partiellement reconstruites et radiations à chaque coin de rue, Lucy se verra faire équipe avec Maximus, un écuyer de la Confrérie de l'Acier, une organisation militaire et semi-religieuse utilisant des technologies d’avant-guerre. Ensemble ils affronteront bien des dangers, à l’image de Cooper Howard, flingueur mutant et chasseur de primes, à l’histoire aussi mystérieuse que fascinante. 

 

Dans la ligné de The Last of Us ou encore Halo, Fallout se démarque par son scénario original, ses personnages complexes, des décors sensationnels, ultra fidèles à l’univers – les fans apprécieront – et bien sûr un rythme endiablé. 

 

Ultra-sanglant et déjanté, Fallout est une aventure atypique, boostée par une bande originale sortie tout droit des années 60, véritable ADN musicale de la licence. Sans laisser une seconde de répit au spectateur, l’avenir de cette aventure dramatique et haletante est déjà assuré, avec une seconde saison déjà annoncée par Amazon.

To The Wonder, Des âmes éveillées, Clément Dumas
Swift Street, La promesse d'un nouveau souffle, Margot Pagot
Fallout, Apocalypse vidéoludique, Romain Debry
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