Pita Limjaroenrat, ancien candidat au poste de premier ministre thaïlandais à son arrivée à la Cour constitutionnelle à Bangkok le 24 janvier 2024. © AFP
L'ambiguïté de la libération de Pita Limjaroenrat
Cette photo issue de l'AFP est apparue dans le journal France 24 le 24 janvier dernier, accompagnée de sa légende d’origine, sous le titre « Le leader du mouvement pro-démocratie Pita Limjaroenrat blanchi par la justice thaïlandaise ».
La photo semble au premier abord illustrer l’effet positif de la bonne nouvelle qu’est la libération de Pita Limjaroenrat, porte-parole d’une jeunesse en quête de renouveau qui s’oppose au pouvoir monarchiste en place depuis plusieurs années. Âgé de 43 ans, pro-démocrate, et après son ambition avortée de devenir premier ministre, il a été confronté à de nombreuses actions judiciaires. Au centre de la photo, il apparaît bien net, le visage éclairé, portant une cravate jaune qui illumine son teint halé. Son regard est tourné vers l’avant, en lien avec le nom de son parti, « Move Forward » ("En Avant"). La foule l’entoure, composée de personnes de tous âges, certains portant des masques ou des lunettes, en tee-shirt ou en costume, représentant la diversité de la population thaïlandaise qu’il aspire à incarner et représenter.
Diplômé de Harvard, Pita a l’apparence d’un étudiant dans son costume sobre, sa cravate à pois et son petit mouchoir blanc, symbolisant l’innocence. Le contraste entre le noir de son costume et la blancheur de sa chemise donne l’impression d’un bouclier protégeant une innocence désormais confirmée par la justice. Derrière lui, son successeur, tête baissée et sourire discret, semble s’incliner respectueusement.
Cependant, une analyse plus approfondie de la photo révèle une émotion contradictoire à cette première impression de victoire. L’absence des mains de Pita dans la photo est frappante : sont-elles libres ou attachées ? La foule dense qui l’entoure est floue, masquée, créant une sensation d’étouffement, renforcée par l’omniprésence d’appareils photographiques. Acclamé mais entouré de visages détournés, Pita apparaît isolé, sous l’œil constant des médias. La photo, prise en contre-plongée, le montre surplombé par les caméras, vulnérable malgré sa position centrale.
Si Pita Limjaroenrat est censé manifester sa liberté, la composition de cette photo suggère le contraire. À peine son mandat de député repris, nous avons appris le 5 février dernier qu’il avait été condamné à 4 mois de prison avec sursis pour une manifestation en 2019 jugée menaçante pour le pouvoir royal, une étrange prémonition de la photo.
Enfin, un élément déconcertant : le choix de sa cravate jaune, symbole du pouvoir royal, contrastant avec le orange du parti Move Forward. Ce choix de couleur, politiquement chargé, interroge sur ses intentions et le message qu’il souhaite véhiculer.
Diane Flahault-Biberon