Afficher Bangkok
Intéressons-nous au choix de cette image pour représenter Bangkok. Very Bad Trip 2 est une comédie culte des années 2000, suivant les enterrements de vie de garçon calamiteux d'un groupe d'amis. Ce second opus se déroule en Thaïlande, plus particulièrement dans la ville de Bangkok, où le groupe d'amis est à la recherche du petit frère de la future femme de Stu, disparu pendant une soirée mouvementée.
Dans ce long métrage, la ville de Bangkok, mystique, insaisissable et synonyme d'excès, est presque un personnage à part entière. Nous nous sommes donc orientés vers cette représentation, certes un peu cliché, de la ville.
L'affiche américaine essaie, par des symboles, de représenter la ville de Bangkok sans la montrer clairement. Le sens de lecture semble suivre une trajectoire similaire à un escalier en colimaçon ou à un escargot. Nous entrons par le personnage de Stu, quelque peu surélevé dans la baignoire, le rendant plus proche du spectateur. Étant le futur marié de ce second opus, il semble normal que nous entrions dans l’image par son biais. La mine désabusée, il semble accuser le coup d'une soirée d'excès. Son visage est marqué d'un tatouage tribal, encore rouge, suggérant qu'il est récent. À travers le symbole du tatouage, toutes les transformations physiques sont évoquées, comme la transsexualité, un signifiant persistant de la ville de Bangkok. Le sens de lecture continue avec le personnage de Phil, allongé au sol, le regard dirigé dans la même direction que Stu, vers le spectateur. Sa chemise est trempée de sueur, et des lunettes de soleil sont accrochées à la patte de boutonnage de sa chemise. Ces deux éléments évoquent sans aucun doute le climat humide et chaud de Bangkok, et probablement la moiteur des nuits torrides de la ville thaïlandaise.
Nous arrivons maintenant au personnage d'Alan, qui lui aussi a subi une transformation physique puisque ses cheveux sont tondus à ras. Cet escargot se termine sur le singe, qui, contrairement aux autres, est face contre le sol et tourne le dos au spectateur. Cette position porte à croire que celui-ci est mort et non pas en éveil d’une soirée trop arrosée. Il serait alors un symbole bien plus sombre des excès de ces trois Américains venus sans grand respect dans cette ville pour profiter des déboires qu'elle offre. Ce profit se fait souvent aux dépens des locaux ou même des animaux exploités pour répondre aux désirs toujours plus extravagants des touristes et visiteurs du monde entier. Alors que cette lecture tendait plus à faire sourire, attisant la curiosité du spectateur, on termine sur une note qui nous renvoie à une réalité plus dramatique, celle de la souffrance et des dégâts engendrés par cette insouciance festive.
Intéressons-nous aux textes de l’affiche. “Hangover”, centré dans la partie basse de l’image, vient appuyer le thème central du film, d’une part par la signification directe du mot et par la position des trois personnages qui l’entourent. Ce qu’on peut lire soutient et appuie ce que l’on voit. Prenons le « The », plus petit, inscrit au milieu du « O » de “Hangover”, rappelant un enfermement, une répétition, appuyée par la courbure de ce O, qui est, si on suit les tracés, infinie. On serait donc bloqué, avec les personnages, dans ce cercle vicieux sans fin.
« The Wolfpack is back » appuie ce signal du retour de la meute, pas seulement par la signification mais par le choix du positionnement et de la couleur du texte. En noir et en hauteur, il est moins visible et se fond dans le décor. On observe que la tâche sur le carrelage, en haut à gauche de l’image, semble être la source d’où cette annonce découle. Cela donne l’impression que le titre est incrusté dans le décor comme un objet dont le souvenir se ravive dès lors que l’on pose les yeux dessus.
Le damier au sol nous ramène instinctivement au damier d’un jeu d'échecs ou de dames. Le message « Bangkok has them now » fait référence à un piège duquel nos personnages vont devoir se sortir. Ainsi allongés sur ce damier, ils semblent être les pions de ce jeu dont ils doivent sortir vainqueurs pour s’échapper. Cependant, leur placement un peu désordonné donne à penser que leur rôle n'est pas clairement défini, que les règles, contrairement à un jeu comme les échecs, ne sont pas clairement écrites. Nous pouvons donc nous interroger sur les enjeux auxquels les personnages vont être confrontés et quel sera le prix qu’ils devront payer pour sortir de cette impasse. Autant de questions qui rendent cette ville de Bangkok sombre et hypnotique.
Au vu de tous ces éléments, la promesse du film est faite : nous plonger dans une ville extravagante et dangereuse, à travers le regard de personnages qui la découvrent et tombent dans le piège du touriste inconscient.
Romain et Joseph