JAMES BOND
L'HOMME AU PISTOLET D'OR
Une scène révélatrice de notre regard occidental
Dans L'Homme au pistolet d'or, James Bond prouve encore une fois qu’il est capable de lutter contre le mal, bien qu’il soit face à un énième danger. Après avoir été capturé et emmené à l'académie d'arts martiaux de Fat, James Bond tente de s’en échapper pour éviter la mort. Si on est habitué aux courses-poursuites, celle-ci est tout de même mémorable. Les temples, les marchés et les habitants thaïlandais font partie intégrante du décor : ils sont signes de l'espace et de la culture dans lesquels Bond opère. Cette scène illustre parfaitement la façon dont il navigue à travers des situations complexes tout en étant poursuivi par ses ennemis.
La figure du bateau ici n’est pas un hasard – James Bond sait tout faire, même naviguer dans les klongs étroits de Bangkok pour tenter de rejoindre son assistante, Mary Goodnight. Il frôle souvent la mort, mais ne se noie jamais. Bond, figure héroïque de l’Occident qui s’impose et domine dans cet environnement oriental, en poussant au passage un petit garçon qui tente de lui vendre un éléphant. Un acte brutal, qui donne l’impression qu’il ne porte aucun respect aux coutumes et populations locales. Il abîme et malmène ce qui se trouve sur son chemin pour parvenir à ses fins. Tout comme le comportement des touristes présents dans la scène, James Bond paraît lui aussi incarner cette fracture entre l’Occident et l’environnement thaïlandais.
James Bond et l’effet carte postale
Avant que la course-poursuite ne commence, on débute sur un plan rapproché sur le héros qui grimace et on comprend que quelque chose le tracasse. Il est sur un bateau, en position instable. Le plan large qui suit permet de prendre connaissance de ce qui embête réellement le protagoniste - les ennemis - et où ils se situent, soit sur la terre. Ils avancent en courant vers nous. On se sent presque menacé à notre tour, surpris par les traits durs de leurs visages qui n’indiquent rien de bon. Le plan qui montre les attaquants est alors en contre-plongée : même s’ils sont loin, ils ont l’air d’être en position de force. A un moment donné, on prend la place du héros, en caméra portée sur l'hélice du moteur du bateau qui vise à éloigner les ennemis. Dès lors que celle-ci rejoint l’eau, le héros arrive à s’échapper.
S'enchaînent les plans panoramiques. Les cuts sont dynamiques, et captent la vitesse de la poursuite. D’un côté, on voit le héros vêtu d’un ensemble blanc piloter son bateau à grande vitesse sur le canal. De l’autre, lorsque la caméra change d’angle, on voit que le danger, des hommes habillés en noir, le poursuit (d’abord sur la terre ferme, puis sur l’eau). Dès que Bond a un problème avec son moteur, le plan est rapproché et révèle son agacement, ce qui renforce la tension déjà présente. Bien que certains éléments de décors (barrières ou poutres) nous bloquent la vue à plusieurs reprises, on comprend bien que l’on est au bord de l’eau et que la poursuite a lieu dans les klongs à Bangkok, ces bras d’eau entrelacés entre les habitations et sur lesquels il y a beaucoup d’activité. Comme le suggèrent les plans d’ensemble d’ailleurs, la circulation semble être un enjeu majeur. Malgré tout, Bond ne semble avoir aucune difficulté à se déplacer dans cet environnement inconnu. Une certaine chorégraphie à lieu ; les bateaux qui se faufilent avec précision dans cet espace restreint, la compétence agile de Bond en tant que navigateur et agent secret. Cela accentue le mythe autour de son personnage, la figure que rien n’arrête.
Et nous dans tout ça ? Extérieurs à la scène, l’action mouvementée nous interloque. On nous pousse à y prêter attention. On voit Bond passer et on le suit des yeux. On fait le même mouvement que la caméra, un geste qui se veut très naturel. A plusieurs reprises, on se situe devant lui. Il avance rapidement vers nous, ce qui donne l’impression qu’il pourrait nous percuter si on ne se déplace pas. Et nos doutes sont confirmés lorsque l’on voit Bond regarder vers un bateau rempli de touristes qui l’observent. Ce dernier est situé en plein milieu de son chemin. Les plans alternent entre caméra subjective et plans panoramiques. En effet, c’est comme si nous, en tant que spectateur, étions sur ce bateau. On entend le brouhaha des conversations. Ça tangue. On entend le bruit des moteurs, de la foule. Cela rappelle que nous sommes proches du bord, d’un marché flottant et qu’une course-poursuite a lieu. On entend des personnes parler le Thaïlandais. Les touristes pratiquent la langue anglaise, ce qui indique, au-delà de leurs tenues stéréotypées, qu’ils viennent de loin et qu’ils ne sont probablement pas familiers avec les coutumes locales. Les plans rapprochés sur le couple américain -elle et ses bijoux, lui et sa chemise hawaïenne - intensifient leur apparence ridicule, mais aussi le sentiment que nous ressentons d’être à part du groupe. Avec un tel cadrage, on a l’impression de gêner, d’être serré. Étrangers à ce qu’il se passe, ce « spectacle » attire notre attention. Quand Bond et ses ennemis passent à côté des touristes américains et les éclaboussent, on a l’impression nous aussi de recevoir ces gouttes d’eau. Quand ils descendent du bateau, la caméra est placée à terre avec eux. Le réalisateur nous invite à participer à cette course-poursuite, en nous positionnant en tant que touriste, mais aussi en nous rappelant que nous devons soutenir le héros.
Nous faisons donc partie intégrante de la scène.
Bangkok ?
Avec notre regard de spectateur d’Occident, plusieurs éléments viennent confirmer que la séquence à bien lieu à Bangkok.
Tout d’abord, le klong. Ce canal est emblématique, car il représente la vie quotidienne des Thailandais dans cette ville. Dans notre imaginaire, on associe également l’activité des habitants aux marchés flottants. Au travers de cette scène, on a l’impression d'être en immersion dans la vie locale et économique du pays. Les bateaux traditionnels sont les symboles de l’identité culturelle et historique: ils rappellent les traditions maritimes et commerciales du pays.
Ensuite, les temples que l’on peut apercevoir sur les bords du klong nous permettent de nous situer . Dans notre imaginaire, cela rappelle l’influence de la religion bouddhiste sur l'architecture et les paysages en Thaïlande.
De même, on peut dire que l’enfant qui vend son éléphant représente la réalité économique du pays. Il travaille à son âge, ce qui nous choque. Par le biais de ses paroles insistantes, il rappelle la détermination dont font preuve certains vendeurs ambulants. En tant qu'Occident, cela peut nous paraître trop insistant, voire presque irritant. En outre, le fait que ça soit un éléphant dévoile ce que nous imaginons de la Thaïlande. On en déduit donc que cette image peut être interprétée comme une métaphore visuelle de la commercialisation de la culture locale.
Avec notre regard de spectateur d’Occident, plusieurs éléments viennent confirmer que la séquence à bien lieu à Bangkok.
Tout d’abord, le klong. Ce canal est emblématique, car il représente la vie quotidienne des Thailandais dans cette ville. Dans notre imaginaire, on associe également l’activité des habitants aux marchés flottants. Au travers de cette scène, on a l’impression d'être en immersion dans la vie locale et économique du pays. Les bateaux traditionnels sont les symboles de l’identité culturelle et historique: ils rappellent les traditions maritimes et commerciales du pays.
Ensuite, les temples que l’on peut apercevoir sur les bords du klong nous permettent de nous situer . Dans notre imaginaire, cela rappelle l’influence de la religion bouddhiste sur l'architecture et les paysages en Thaïlande.
De même, on peut dire que l’enfant qui vend son éléphant représente la réalité économique du pays. Il travaille à son âge, ce qui nous choque. Par le biais de ses paroles insistantes, il rappelle la détermination dont font preuve certains vendeurs ambulants. En tant qu'Occident, cela peut nous paraître trop insistant, voire presque irritant. En outre, le fait que ça soit un éléphant dévoile ce que nous imaginons de la Thaïlande. On en déduit donc que cette image peut être interprétée comme une métaphore visuelle de la commercialisation de la culture locale.
Sophie Grollier et Vanina Muller