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Une Coexistence Fragile - Humains et Éléphants dans l'Est de la Thaïlande par Luke Duggleby
(1er Mars 2023 à Wang Chan, Province de Rayong, Thaïlande)

De la fragilité des coexistences contemporaines

L'image que nous analysons dévoile une riche gamme de signifiés qui convergent vers un message principal : l'opposition entre l'Homme et la nature, soulignant leur impossibilité à cohabiter. La méthode sémiologique barthésienne, en deux étapes, consiste à identifier le signifié (le message perçu dans l'image) et à remonter la chaîne des signifiants qui ont conduit à ce signifié.

Dès le premier coup d'œil porté sur cette photographie, un élément saisissant attire l'attention du spectateur : le contraste.

Celui-ci se manifeste tout d’abord par la séparation nette entre la nature et la civilisation, ou encore entre l'animal et l'homme. En effet, les feuillages des arbres qui bordent une route dédiée aux voitures, conjugués à la présence imposante de l'éléphant, symbolisent à la fois la nature et l’homme.

Ensuite, une dualité se révèle entre l'atmosphère nocturne évoquant le silence et le peu de lumières qui éclairent la seule présence vivante : un éléphant, placé au centre de la photographie et encadré par deux panneaux de signalisation lumineux. Ce contraste souligne le contraste entre le silence et le bruit, symbolisé par la masse imposante de l'éléphant.

Le jeu de lumière crée également un contraste intriguant, en mettant exclusivement en relief la nature : les feuillages et l'éléphant. Au premier abord, le spectateur pourrait être amené à considérer que l'éléphant est peut-être la seule forme de vie présente dans cette scène. Cependant, une réflexion plus approfondie permet de remarquer que les panneaux de signalisation reflètent la lumière des phares des voitures. Ainsi, le spectateur devient également un acteur de cette photographie en tant qu'observateur, positionné sur la route, dans sa voiture, au sein de sa propre civilisation. Cependant, il est remarquable que notre regard soit irrésistiblement attiré par l'éléphant, comme si nous étions conviés à le suivre. Cette impression est renforcée par notre position au début du virage et par l'encadrement des panneaux de signalisation, qui dirigent notre regard vers l'éléphant, créant ainsi une dynamique narrative dans la composition.

La présence centrale de l'éléphant entre les panneaux de signalisation, orientant le virage, détourne immédiatement l'attention du spectateur. Ce dernier se trouve ainsi confronté à une ambivalence, oscillant entre la continuité de son trajet sur la route et le désir de suivre l'éléphant dans la forêt avoisinante.

Dans un second temps, c’est l’opposition entre l’Homme et la Nature qui suscite l'attention du spectateur ainsi que ses sous-messages.

En effet, les points lumineux symbolisant la route sont réguliers et ordonnés, représentant la convention sociale sur la direction à suivre. Les panneaux sont des symboles dans l’analyse Piercienne, ils ont un sens pour tous car ils sont décidés par des conventions arbitraires et sociales. En opposition, l'éléphant incarne le chaos en fuyant dans une direction contraire, ignorant les symboles ordonnés et enjambant la barrière (qui n’est pas faite pour ça).
De plus, il paraît que l'éléphant incarne la liberté animale, refusant de suivre les règles humaines. Cette provocation suggère une volonté de Dame Nature de ne pas être entravée par des conventions.
Enfin, la barrière, représentant la frontière entre deux mondes, et surtout qui est censée protéger, pose la question de qui protège qui. Les couleurs (vert pour la nature, jaune pour la sécurité) soulèvent la question de savoir si la nature se protège de l'Homme plutôt que l'inverse.
Par la suite, il apparaît pertinent de remarquer que le rapport de force s’inverse.
En effet, la barrière devient le symbole de protection de la nature contre l'Homme. Cela remet en question notre perception traditionnelle de la barrière comme moyen de protection humaine.
La mise en lumière de la forêt dans l'obscurité suggère un trésor caché, une nature précieuse qu'il est presque impudique d'observer. La barrière devient la frontière entre le visible et l'invisible, c’est le signifié que souligne notamment l'analyse de Saussure.
L'éléphant, apparemment hors de sa place sur la route réservée aux humains, devient l'anomalie centrale, attirant l'attention malgré les panneaux réfléchissants conçus pour captiver le regard.

Le message final ne serait-ce pas : "Est-ce déjà trop tard ?".
L'éléphant, ayant déjà franchi la barrière, pose la question de savoir s'il est trop tard pour les humains. Il symbolise l'inaccessible, incitant à se demander si l'invitation de l'image, de l’auteur, est d'oser enjamber les barrières et de suivre l'inconnu.

Océane et Caroline

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